Lire Les Carnets du loir consacrés à Grégoire Bouillier
Grégoire Bouillier est né en 1960. Avant de publier son premier roman, Rapport sur moi, cet autodidacte auto-revendiqué est tour à tour peintre, employé de bureau et enfin journaliste. Il
collabore aux revues littéraires L’Infini etNRV.
Amateur de rock’n’roll et de Bret Easton Ellis, un brin superstitieux, « comme tous les gens rationnels », Grégoire Bouillier a une vision toute personnelle de la
littérature. Pour lui, les livres ne se cantonnent pas au simple rôle de passe-temps. Ils ont une véritable fonction, une influence sur la vie, le devenir des lecteurs. Et si lire est un mystère
pour lui, dans une société où chacun peut facilement accéder à la télévision, au cinéma, à internet, où chacun à ses soucis, il n’en trouve pas moins un sens : « Parce que nous
sommes des êtres de langage, les livres nous parlent et c’est aussi à travers nos lectures que nous parlons et agissons, même si nous avons tendance à oublier le livre posé sur la table de nuit.
Il serait même amusant de voir pour soi-même ce que nous devons aux livres qui nous ont émus dans notre enfance, que ce soitOui-Oui et la voiture
jaune ou Le Club des cinq… ». Ainsi, la littérature a un usage, usage que Grégoire Bouillier n’hésite pas à mettre en avant dans ses textes
: L’Odyssée d’Homère et l’Ulysse de Joyce sont à l’honneur dans Rapport sur moi,Mrs
Dalloway prend ses quartiers dans L’Invité mystère.
Rapport sur lui
Lecteur, donc, et forcément auteur – même s’il n’aime se proclamer comme tel –, Grégoire Bouillier écrit parce qu’il aime ça. Il prend son temps, préférant s’attarder sur de nouvelles
propositions narratives et refusant de réutiliser les recettes qu’il a déjà utilisées. Il sait donc se faire attendre (quatre ans entre L’Invité mystère et Cap
Canaveral) : « Il se publie déjà assez de livres et je ne me sens pas tenu d’en ajouter un de plus à la pile si je n’ai pas l’impression que cela en vaut la peine. Et
finalement, quatre années qu’est-ce que c’est ? Surtout qu’entre-temps, j’ai écrit des choses, pour la radio notamment », se défend-il.
Personnage discret, Grégoire Bouillier, malgré son étiquetage à l’école de l’autofiction, n’aime guère parler de lui. On pourrait pourtant penser le contraire, notamment à la lecture de ses
romans. Mais c’est davantage la vision de l’existence qui l’intéresse. Bien sûr, il s’appuie sur la sienne d’existence,« car [il y a] (relativement)
accès », mais il apprécie que ses lecteurs se retrouvent dans un aspect qu’ils n’avaient pas vu avant dans leur propre vie. Parce que finalement, à ses yeux, sa vie n’est ni plus ni
moins captivante qu’une autre, il insiste sur la nécessité que chacun vive sa propre existence et s’approprie sa vie. Alors, aux récalcitrants qui l’interrogent sur l’identité de son père, il
rétorque du tac au tac par une citation glanée il ne sait où : « Tous ces gens qui cherchent leurs racines, on croirait des végétaux » !
Homme de style
Au moment de la sortie de Rapport sur moi, Grégoire Bouillier exprime une volonté éditoriale bien déterminée. Le paysage littéraire ne lui plaît alors pas
vraiment. Il ne s’y retrouve pas et ressent le besoin de s’inventer un espace bien à lui, un espace dans lequel il se sente à l’aise.
Un récit comme un long ricochet, de l’enfant à l’adulte, des visages, des personnalités plus ou moins fortes, des faits… un style qui s’impose dans Rapport sur
moi mais qui deviendra la patte de Grégoire Bouillier, qui aime à le considérer comme un genre littéraire à part entière. Des mots qui font d’une vie une véritable
aventure.
Les citations de Grégoire Bouillier sont extraites d’un entretien avec Arnaud Jacob pour fluctuat.net et d’un exercice de chat auquel Grégoire Bouillier s’est prêté pour le site L’Internaute,
en avril 2006.
[RAPPORT SUR MOI] LA REVUE DE PRESSE
Un récit de 160 pages, progressant au rythme d’imprévisibles plongées en apnées qui maintiennent le regard sous la peau du monde, afin d’en révéler non pas l’envers, mais la couche de
perspectives truquées à traverser de toute urgence comme autant de milieux transparents pour enfin connaître la déconcertante matière de ce qui nous arrive.
La Quinzaine littéraire – Annie Le Brun (1er septembre 2002)
Entre incarnation de théories lacaniennes et conte de fées de l’ordinaire, Bouillier construit son récit par blocs de texte, courtes saynètes à l’écriture claire et fatale (…) - événements
livrés avec détachement, comme s’il s’agissait d’anecdotes alors qu’ils bouleverseront une existence.
Les Inrockuptibes – Nelly Kaprielian (25 septembre 2002)